Le Gang de la clé à molette (25/8)

« Changement de décor. Les nuages passaient par phrases, par paragraphes, messages incompréhensibles d’une importance troublante, au-dessus des crêtes boisées, au-dessus de falaises encore jamais gravies par l’homme, au-delà de champs de mesas isolées, inhabitées, suivis par leurs ombres fidèles qui filaient en épousant sans effort chaque faille, entaille, muraille, rocaille sur la peau ridée de la terre de l’Utah.

– On est toujours dans l’Utah?
– Affirmatif, collègue.
– Prend-toi une autre bière.
– J’attends qu’on repasse la frontière avec l’Arizona. »

Dans Le Gang de la clef à molette (1975), pamphlet génial et chant d’amour écologique d’Edward Abbey à la région des Four Corners (Utah/Colorado/Nouveau Mexique/Arizona), un psychiatre marxiste, une hippie juive, un mormon érotomane et un rescapé fou furieux de la guerre du Vietnam s’engagent dans une lutte sans merci contre les panneaux publicitaires, les engins Caterpillar, les ponts et les barrages qui défigurent leurs canyons et rivières bien-aimés. Parmi leurs haut-faits figure la destruction à l’explosif du pont surplombant le barrage de Glen Canyon. Quelle ne fut pas notre surprise, à la frontière entre l’Utah et l’Arizona, de constater que le pont impertinent est toujours là. Une pensée émue au-dessus du barrage, immense coulée de béton catapultée dans la rivière, pour ces héros anti.

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