Il faut le dire d’emblée, nous n’avons pas de bons a-priori sur le Texas (sorry Kim S.), surtout depuis ce terrible épisode de « True Détective » avec les gangs de bikers (brrr). Dès que j’aurai le courage, je recopierai quelques pages délicieuses de Travels with Charley au sujet de « cet Etat qui n’en finit pas »… Nos sentiments ne s’améliorent pas avec la traversée éprouvante d’El Paso, suivie d’heures interminables de route au milieu d’une morne plaine que nous n’arriverons pas à trouver pittoresque, malgré le passage sinueux d’un long serpent rouge. Podcasts de Roger Caillois, Michel Leiris et Michel Foucault (mais oui, tout ça grâce à la facétieuse Dominique G.) composent une bande sonore certes passionnante mais aussi passablement noire. On les remplace par 800 tubes des 80s sur les derniers miles, question de survie.
MARFA, très jolie bourgade alanguie, ville mirage colonisée par les artistes, où les pizzas coûtent aussi cher qu’à New York, où des dandys à peine trentenaires hantent la laverie automatique en parlant de leur dernier film. Conviction déprimante qu’on ne dépare pas du tout dans cet environnement (un supermarché bio, yeaaah!). Échappée vers Balmorhea, piscine naturelle peuplée de poissons chats qui broutent paisiblement de petites algues au fond de l’eau transparente tandis que flottent au-dessus d’eux quelques américaines juchées sur des fauteuils gonflables avec porte-verre-de-soda-géant intégré.
Nous voulions participer à une « Star Night Party » au Mac Donalds Observatory (un vrai observatoire très sérieux, hein, pas un fast-food, comme je l’ai cru la première fois qu’on m’en a parlé), mais le ciel se couvre de nuages noirs. Décidément, nous aurons eu des orages presque tous les soirs, sauf au Lightning Field! Celui-ci est à couper le souffle, apocalyptique et splendide, à la poursuite de notre voiture qui semble soudain bien insignifiante.
Le lendemain, visite guidée de la CHINATI FOUNDATION, but initial de notre voyage à Marfa. Ancien terrain d’entraînement militaire racheté par l’artiste Donald Judd (avec l’aide de la DIA foundation, au début) pour y installer un « musée » à la mesure de ses œuvres et de celles de ses amis, et non l’inverse. Installations de Dan Flavin, Carl André ou encore Roni Horn se partagent les anciens baraquements où vécurent, pendant la seconde guerre mondiale, des prisonniers allemands (la Convention de Genève stipule qu’un prisonnier de guerre doit être detenu dans un environnement similaire à celui dans lequel on l’a trouvé. Ces pauvres soldats allemands ont été fait prisonniers en Afrique du Nord). Autour, le désert, la route, et un troupeau d’antilopes.
Le soir, home concert d’Erik DeLuca, artiste dont nous partageons la résidence pour quelques jours (merci, Ida S.). Un piano et des lecteurs CDs à l’ancienne installés dans le garage, une vingtaine de jeunes artistes locaux perchés sur des chaises de jardin, tandis que des bribes lointaines d’une fête latino viennent se mêler aux notes de musique et aux mugissements d’un train qui passe en actionnant sa sirène.