Taliesin, d’abord: à la fin des années 1920, alors que la crise économique affecte durement les son activité architecturale, Frank Lloyd Wright décide de transformer sa propriété du Wisconsin en école d’architecture où former une dizaine d’apprentis. En 1937, il acquiert un terrain au Nord de Phoenix où, chaque hiver jusqu’à sa mort en 1959, l’école, le studio et les apprentis se déplacent pour bâtir ce qui deviendra progressivement Taliesin West: un projet à la fois architectural et pédagogique, fondé sur une communauté de vie et d’apprentissage, sous la houlette autoritaire de Wright.
En 1937, Wright a 70 ans. Ses apprentis campent dans le désert et déplacent des kilos de roche pour monter les premiers murs de ce qui ne sera au départ qu’une sorte de camp de base dans le désert. Même une fois les bâtiments bien avancés et des vitres posées, les apprentis dorment dans des tentes qu’ils montent eux-mêmes dans le désert (aujourd’hui encore les étudiant-e-s peuvent choisir de comstruire des pavillons où ils/elles vivent sans eau courante et sans électricité). C’est pourquoi le programme requérait deux éléments indispensables au trousseau des apprentis: a sleeping bag (un sac de couchage) and a tuxedo (un smoking), pour les soirées du samedi soir censées leur élever le corps et l’esprit.
Wright professe l’inscription de ses bâtiments dans le paysage et l’usage de matériaux locaux. La visite de Taliesin West, guidée par Myrna et son ombrelle en forme de fleur bleue (il fait près de 45 degrés) permet de feuilleter dans l’espace les étapes successives de la conception de ce lieu extraordinaire, et la manière dont chaque élément s’inscrit dans un projet d’apprentissage, guidé par les principes architecturaux de Wright (ou ses lubies: ne supportant pas la vue des nouveaux poteaux électriques que la ville de Phoenix avait eu le toupet d’installer sur la route en contrebas, il changea l’orientation de toutes les pièces de vie).
C’est ce qui rend cette visite si émouvante : au-delà de la découverte de cette architecture impressionnante, on comprend que chaque espace, chaque objet sont le fruit empirique d’un projet pédagogique total. Par exemple, les fauteuils du salon (« origami armchairs ») ont été imaginés par Wright à partir de découpes triangulaires effectuées dans une seule planche de bois rectangulaire puis assemblées entre elles. Après en avoir conçu les plans, Wright demanda à ses apprentis de découper les planches selon ses directives et de construire chacun un fauteuil, afin d’exercer leur capacité à visualiser mentalement un objet en 3D.
Paolo Soleri a été étudiant à Taliesin West, et l’on comprend mieux comment l’idée de faire d’Arcosanti un projet construit autour d’une communauté d’apprentissage a pu prendre forme.