« Le titre complet de l’édition française de « Sutter’s Gold » est « L’or, Histoire merveilleuse du général J.A. Suter ». Le mot « merveilleux » indique que je n’ai jamais eu l’intention d’écrire la biographie officielle du général J.A. Suter.
J’ai fait œuvre d’artiste et non pas d’historien, un livre synthétique et non pas analytique, une multiplication et non pas une addition, un portrait vivant du général et non pas le déshabillage dune momie.
Une œuvre de fiction.
Un roman.
C’était mon droit le plus absolu. Ma seule raison d’être un écrivain. »
Blaise Cendrars, 1927.
« L’or » paraît en 1925. Le livre relate l’histoire mythique d’un aventurier suisse, Sutter, considéré comme le père fondateur de la Californie, où il s’installe dès 1839, alors que le territoire est encore sous domination mexicaine. Grace a des esclaves kanaks amenés d’Honolulu, il crée peu à peu une vaste propriété qu’il baptiste Nouvelle Helvétie, à une époque ou seuls quelques missionnaires se sont aventurés si loin à l’Ouest et où la guerre avec les différentes tribus indiennes fait rage. Sutter développe une activité agricole luxuriante sur ces terres fertiles, qu’il dote de routes, de ponts, de moulins… San Francisco existe à peine.
En 1848, la Californie passe aux mains des Etats-Unis. De l’or est découvert sur les terres immenses de Sutter. Cendrars raconte comment cette découverte fera sa ruine. Du jour au lendemain, ses ouvriers, ses métayers l’abandonnent. Les champs sont laissés en friche, les moulins et les scieries cessent de fonctionner, les animaux sont volés par un nombre grandissant de chercheurs d’or qui se ruent sur ses terres. Les soldats chargés de maintenir l’ordre désertent pour pouvoir prospecter eux aussi. Dès 1848, des milliers d’émigrés déferlent sur cette nouvelle terre promise. San Francisco dévient rapidement une ville importante, cosmopolite.
Sutter passera le restant de sa vie embourbé dans un gigantesque procès contre les États Unis pour réclamer l’indemnisation de ses pertes. Il sombre dans la folie.
Voilà comment serait née, selon Cendrars, San Francisco.
« San Francisco. La Californie. Suter!
Ces trois noms faisaient le tout du monde, on les connaissait partout, jusque dans les villages les plus reculés. Ils réveillaient les énergies, les appétits, la soif de l’or, les illusions, l’esprit d’aventure. De tous les points du globe partaient maintenant des solitaires, des corporations, des sectes, des bandes vers la Terre promise, où il suffisait de se baisser pour ramasser des monceaux d’or, de perles, de diamants ; tous convergeaient vers l’Eldorado. (…) En 10 ans, San Francisco était devenue une des pus grandes capitales du monde. «