… Et surtout pas Tuckson, sous peine de voir un rictus de commisération se peindre sur le visage des Arizoniens (ce mot n’existe pas). Grâce à l’entremise d’Alex P., natif de T., AZ, nous sommes généreusement hébergés par le Museum of Contemporary Art, domicilié dans une ancienne caserne de pompiers d’allure toute brutaliste. Nous réussissons donc à assouvir le fantasme combiné, et ce à trois reprises, de passer la nuit dans une caserne de pompiers (Soizic P., je te regarde, alors même que Tucson s’enorgueillit d’une Tatum Road – double private joke) et dans un musée.
A Tucson, nous avons :
Appris que l’on ne dit plus « doggy bag » mais « to go box ». Le politiquement correct a encore frappé? En tous cas, la nuit, it was raining cats and dogs.
Enfin découvert ce que c’est qu’un vrai beef taco.
Effleuré l’histoire passée et présente des « Indiens d’Amérique (du Sud Ouest) » dans les salles au didactisme bienvenu (pour nous novices intégraux) du State Museum of Arizona sur le campus de l’université. Je dis « effleuré » parce que cette visite, les dioramas, les objets, les témoignages d’exaction, couplés aux quelques pages lues dans les guides et les romans ou aux textes de Jimmie Durham ne font qu’ouvrir une minuscule lucarne sur la complexité de ces histoires. Elles font aussi entrevoir l’ambiguïté du rapport des Etats-Unis à leur histoire, en tous cas tel qu’on le perçoit en tant que touriste, c’est-à-dire à dire à travers son inscription dans le paysage. La plupart des « historic markers » qui jalonnent les routes font référence à l’avancée des pionniers, aux missions, aux forts et aux victoires des colons européens (je schématise). Même si l’on croise des réserves, par exemple (ou peut-être justement à cause de ça), le sentiment qui domine est celui d’un territoire qui se présente sans passé autre que géologique (la timeline qui accompagne le South Rim Trail du Grand Canyon remonte à plusieurs centaines de millions d’années) avant la fin du 18ème siècle. La mémoire des « Native Americans » telle que patrimonialisée par les États et leurs highways est d’abord celle des combats qui les ont opposé aux « Américains » (les autres), celles des raids, des marches forcées et des réserves. Cela me rappelle une anecdote lue il y a quelques années : dans une boutique, quelque part aux Etats-Unis, une femme parle au téléphone dans une langue étrangère. Lorsqu’elle raccroche, un homme blanc lui fait remarquer qu’elle pourrait faire l’effort de parler Anglais, la langue de sa terre d’accueil. Elle lui répond qu’elle parlait Navajo (je crois?), ou une langue qui pré-existait largement à l’apparition de l’Anglais sur ce territoire. Il est vrai que pour l’instant nous n’avons pas encore visité de sites « Native American » ou vraiment pénétré dans des réserves (nous le ferons la dernière semaine). Encore une fois j’écris ces lignes depuis un point de vue très superficiel, ignorant et donc généralisateur, celui d’une impression de voyage. Mais l’envie de creuser ces histoires grandit au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans les territoires Navajos ou Hopis.
Poursuivi notre investigation des narrations technologico-guerrières nord-américaines avec la visite du Titan Missile Museum et du Pima Air Museum, toutes deux agrémentées des commentaires érudits et non dépourvus d’ironie de vieux « Volunteers » passionnés. Bachir tentera même une approche plus gastrique de ces histoires avec l’absorption téméraire d’un Titan Missile Burger, qui lui laissera un rideau de fer dans l’estomac… (Pardon, il est une heure du matin ici).
Et plongé dans l’ecosystème fascinant (voilà une incarnation scientifique à grande échelle de la « paranoïa critique ») de BIOSPHÈRE 2… (Voir article suivant).